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Disclaimer: Ce passage est légÚrement NSFW, pas sûr pour le travail

Suite de Serveur confusion ep. 06 Flux

Premier Ă©pisode ici

Cet Ă©pisode fait directement suite aux Ă©vĂšnements de Serveur confusion - ep. 04 - GPU

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À l’approche du milliardiĂšme battement de cƓur, Dan recevra un mail de son trĂšs cher ami Gabriel. Ce dernier demandera Ă  le rencontrer. C’est cet ami qui l’aura traitĂ© avec le plus de dĂ©cence lorsqu’il Ă©taient tous deux collĂ©giens. Le cerveau le comprendra, maintenant qu’il sera rentrĂ© dans l’ñge adulte. Son hĂŽte, qui aura vĂ©cu en rĂ©clusion pendant cinq ans, s’efforcera de se brosser les dents et se couper les ongles de pieds pour l’occasion.

Ils se rencontreront dans un Five Guys Ă  Barcelone et malgrĂ© le bruit ambiant, Dan rĂ©alisera que Gabriel aura gardĂ© la mĂȘme voix posĂ©e et chaleureuse. Ses yeux seront un havre de paix noisette, isolĂ© au sein d’un monde tumultueux, sale et qui fait trop mal.

Il lui dira Ă  son plus grand plaisir qu’il a entendu ses podcasts. Il les a adorĂ©. Il recherche un partenaire en affaires et la personnalitĂ© de son vieil ami est parfaite pour ce business.

Avance rapide Ă  quelques mois plus tard. Gabriel et Dan auront achetĂ© leurs locaux de travail et commenceront leur business. Le cƓur, en sa prĂ©sence, battra plus vide et le cerveau dĂ©chargera des doses dĂ©cadentes d’endorphine. Un troisiĂšme membre se sera joint Ă  eux. Le comptable. Il se fera appeler Flouz et Dan ne comprendra pas avant plusieurs annĂ©es que ce n’est pas son vrai nom.

« La performance est simple » lui aura dit Gabriel plusieurs fois déjà, parce que le cerveau ne sera toujours pas trÚs futé.

« Je m’occupe d’acheter les tĂ©lĂ©phones jetables et Flouz de gĂ©rer les comptes en banque. Je m’occupe de trouver les numĂ©ros et de les appeler. Toi, tu parles Ă  l’interlocuteur. »

Toujours appeler en dĂ©but de nuit, Dan se souviendra. Toujours au moment oĂč la victime est en phase de sommeil lent profond. Si elle se rĂ©veille, si elle rĂ©pond a l’appel, elle sera extrĂȘmement confuse et c’est ce qu’on veut.

« On variera les scenarii pour ne pas trop se faire remarquer. Tu joueras le petit fils de l’interlocuteur. Tu es en prison, tu es sur le quai d’une gare. Tu es dans un pays Ă©tranger et sans passeport. »

Au fil des semaines, Dan s’exercera Ă  pousser des couinements plaintifs, pleurer sur commande, imiter le bruit de coups assĂ©nĂ©s. S’essouffler et donner l’impression qu’il a couru.

« Je serai l’avocat, l’officier de police. Le directeur d’une agence de prĂȘts illĂ©gaux. »

« Tu diras des phrases dĂ©sarmantes telles que “Mamie c’est moi, ton prĂ©fĂ©rĂ© !” »

« Tu hurleras "Ne le dis pas Ă  mes parents, j’ai trop honte ! ” »

« Tu n’arrĂȘteras pas de parler, pas une seconde. Ne les laisse pas se reprendre, remonter leur garde. Tu ne te tairas que pour me passer le combiner. »

Le sophistiquĂ© Gabriel jouera Ă  la perfection l’homme diplĂŽmĂ©, le fonctionnaire, l’officier autoritaire.

Dan quant à lui se fera réguliÚrement complimenter par ses deux associés. Ils trouveront sa voix enfantine et fragile, un parfait vecteur de détresse et hystérie.

Ils s’exerceront encore et encore. Puis le premier appel. Le cerveau dĂ©jĂ  bourrĂ© d’adrĂ©naline, essaiera au mieux de rĂ©primer les innombrables TIC habituels. L’inconfort ajoutera comme par magie Ă  la tension dans la voix.

L’interlocuteur sera un dĂ©fi auxquels tous deux ne se seront pas prĂ©parĂ©s. Un vieillard colĂ©rique qui n’a pas de petit fils, mais une petite fille. Les sources de Gabriel se seront avĂ©rĂ©es non fiables. De par les directives de ce dernier, ils arriveront Ă  glisser subtilement le dialogue vers un autre scenario. Ce sera le petit ami de la fille qui aura appelĂ© en larme.

Elle est à l’hîpital, aprùs un grave accident.

Mais en Nord Afrique.

Mais le voyage n’était pas prĂ©vu, il voulait la surprendre.

Mais dans un coma.

Mais l’hîpital veut les mettre dehors, ils n’ont pas d’assurance.

Mais un simple virement bancaire ne fonctionnera pas.

Gabriel et Flouz Ă©changeront dans le fond un parfait charabia. En gĂ©nĂ©ral personne n’a la moindre idĂ©e de la diffĂ©rence entre de l’égyptien et du dothraki. Alors ils ne se donneront pas trop de mal.

Et le monologue continuera comme ça pendant des minutes agonisantes. Le vieux finira par lùcher.

Oui, l’envoi par Western Union fera l’affaire. Merci papi. Je peux vous appeler papi ? Elle me parlait souvent de vous. Sniff sniff. Elle vous aime trùs fort. Merci-beaucoup-maintenant-je-raccroche. Et coupez !

–

Le soir de leur premier coup, le protagoniste et les deux larrons iront fĂȘter leur rĂ©ussite au club local, “La Puta Loca”.

C’est un club rave qui jouera ce soir-lĂ  des mix de l’ñge d’or du Big Beat et de la Techno. Dan se dira qu’il aurait tellement aimĂ© ĂȘtre nĂ© vingt ans plus tĂŽt. Quand ce genre d’endroit puait la sueur et que la jeunesse Ă©tourdie Ă  la MDMA dansait comme si le futur ne comptait pas.

Il aura lui-mĂȘme son lot de trips Ă  l’ecstasy. Des moments de pure euphorie, dans la confusion de corps en mouvements. Un microcosme oĂč la foule est une intelligence qui se dissout, s’émeut en couleurs, l’individu, un concept flou qu’on laisse Ă  la flĂ©trissure du lendemain de cuite.

Ce soir, il prendra un whisky “on the rock” et se sentira comme un vrai mec avec les autres. Un big boy, à sa place au milieu des big boys.

Il ne dansera pas. Il aurait adorĂ©, mais les vrais mecs s’assoient et parlent aux filles.

Gabriel restera assis en face de lui. Les deux yeux noisette reflĂ©tant la lumiĂšre des nĂ©ons bleus et roses, emplis d’une lueur Ă©nigmatique. Satisfaction ? PlĂ©nitude ? Lorsque son regard croisera le sien, ils s’échangeront un dialogue tacite, que seuls eux deux comprendront.

Dan aura toujours eu l’affliction de ce qu’on appelle “aphantasie”. Il ne pourra s’imager aucune scĂšne, seulement des informations laconiques et factuelles. Mais aux cĂŽtĂ©s de Gabriel, il pourra se voir un milliard de battements de cƓur dans le futur, tous les deux assis sur une chaise Ă  bascule, sur le porche d’une ferme ou une idiotie dans le genre, les cheveux grisonnants. Dans un monde qui se suffit Ă  lui-mĂȘme. C’est le pouvoir de Gabriel. Il se serait bien habituĂ© Ă  ça.

Flouz partira le premier. Le cerveau voudra dĂ©verser un long monologue sans ponctuation Ă  Gabriel. Lui dire. Lui dire tellement de choses. Mais le cerveau ne saura pas oĂč commence la tirade, ni ou elle se finit. Alors la bouche ne dira rien.

Et Dan se détestera longtemps pour ça.

L’intĂ©rieur du bĂątiment sera tiĂšde et humide. Il parlera Ă  Gabriel de ses thĂ©ories sur l’état du Monde. Ces mĂȘmes thĂ©ories qui feront de lui un idiot du village dans l’impardonnable hyper-rĂ©seau.

« Notre Univers est trop vieux », commencera-t-il.

« Son firmware est soumis Ă  ce qui est appelĂ© Bit Rot, en informatique. Je ne sais pas si les administrateurs de ce systĂšme sont absents. Ou peut-ĂȘtre que Dieu est une bille en informatique. L’information qui nous rĂ©git tous, ĂȘtres vivants et astres, se dĂ©grade. Non pas seulement l’information d’un objet, mais l’information de son appartenance au Monde.
« Peux-tu te figurer un objet qui est, mais n’est plus observable ? Par exemple le soleil, qui resterait prĂ©sent dans nos souvenirs, mais arrĂȘterait d’ĂȘtre “existant” d’un seul coup. Gone. ApprĂ©cie l’obscuritĂ© et le froid a moins deux-cent degrĂ©s.
« Ou encore, un exemple plus familier. Imagine que te rĂ©veilles un matin et que le cafĂ© en face de chez toi, sans prĂ©venir, n’est plus un cafĂ© local mais un Starbucks. Non mais imagine que ça arrive du jour au lendemain, sans aucun prĂ©avis. Oui, je sais que ce phĂ©nomĂšne est appelĂ© ultra-capitalisme. Ce n’est pas oĂč je veux en venir. Imagine que ce soit hors de tout contrĂŽle. Oui, il y a aussi un mot pour ça, anarcho-capitalisme. Mais Ă  Ă©chelle cosmique ?
« Un astre Coca Cola qui devient Pepsi. Une conscience humaine basculant de la Google sphÚre à la Apple Galaxy. Le débridage absolu du libre échange de données.
« Et on ne pourrait rien changer Ă  ça. Forts de millions d’annĂ©es d’adaptation empirique et toujours impuissants. Si on en venait Ă  une telle dĂ©construction de notre rĂ©alitĂ© fondamentale, un changement d’information Ă  la fois, je n’aurais qu’un seul conseil pour nous tous. »

Carpe diem.

Le cerveau sera pris de court, car Gabriel acquiescera. Il Ă©coutera chaque mot que le cerveau transmettra, malgrĂ© les simagrĂ©es semi-incohĂ©rentes qu’il se sera habituĂ© Ă  dĂ©verser. Et pourtant, Gabriel acquiescera. Dan aura prĂ©fĂ©rĂ© l’inverse. Si cette thĂ©orie s’avĂ©rait, cela marquerait la fin du Monde. Non de bien plus que ça.

« Je ne sais pas si ce que tu dis est vrai », lui confÚrera son ami, à demi hurlant au milieu du bruit.

« Tout ce que je sais, c’est que tu as un vrai talent pour Ă©crire. Ce que tu dis est poignant et nous prend aux tripes. Écris un bouquin lĂ -dessus. Tu ne sais pas oĂč la vie te mĂšnera. »

Et le cƓur s’accĂ©lĂšrera encore et encore. Et le cerveau ne comprendra pas quoi blĂąmer. La chaleur et l’alcool ou les mots de Gabriel qui comme par magie, lui insuffleront la vie une seconde fois.

Dan lui effleurera la main et Gabriel se laissera faire. Il existe une infinitĂ© de realitĂ©s courant en parallĂšle Ă  celle-ci. C’est ce dont le cerveau sera convaincu. Et pour lui dans toutes ces rĂ©alitĂ©s, ce moment existera, gravĂ© dans la roche monolithique d’un Univers infini, froid et impitoyable.

–

À 31 ans, l’improbable trio aura amassĂ© une petite fortune au travers d’une poignĂ©e de comptes off-shore. Le cerveau n’aura pas changĂ©. C’est Ă  croire que le status fait tout. Car il sera pourtant rĂ©compensĂ© d’une estime impromptue et enivrante.

Et il aura retenu une leçon.

Le systĂšme est faillible. Sa structure est un gruyĂšre de rĂšgles et de lois, bourrĂ©e de trous et d’interstices. La sociĂ©tĂ© est un terme gris. Tout le monde profite de tout le monde.

Les partenaires de notre sujet aimeront Ă  rĂ©pĂ©ter religieusement que les gĂ©nĂ©rations les prĂ©cĂ©dant ont ajoutĂ© des trous au gruyĂšre. Si bien qu’il y a pour eux moins de fromage que de trous. C’est la justice mĂȘme que de rĂ©clamer un peu plus du morceau. Tous les moyens sont lĂ©gitimes. Fuck ces vieux rapaces.

Leur business sera florissant. Des piles de tĂ©lĂ©phones jetables. Des serveurs exĂ©cutant des programmes de craquage de mot de passe et d’apprentissage automatique, dĂ©diĂ©s au recroisement d’informations sur des internautes sexagĂ©naires. Ceux qui s’échangeront des complaintes sur la fainĂ©antise de la jeune gĂ©nĂ©ration, s’entre-congratuleront virtuellement, dans des salons publiques Ă  la vue de tous. LĂ  oĂč leur vision exiguĂ« du Monde peut s’exprimer Ă  satiĂ©tĂ©, et leur survivra.

L’équipe se sera agrandie d’une poignĂ©e de jeunes travailleurs. Des demoiselles et damoiseaux armĂ©s de Master en business et finances. Les dents aiguisĂ©es par des annĂ©es de chĂŽmage et une dalle incendiaire. Tous affamĂ©s, indivisibles. Redoutables. Un nirvana de bĂ©ton, de brouhaha et de Nokia 3310.

Un soir, Dan et Gabriel seront seuls dans les locaux et empileront les canettes de biĂšre. Ce sera une soirĂ©e d’étĂ© comme les autres. Les fenĂȘtres ouvertes, des sirĂšnes s’entendront au loin, un chien aboiera, des musiciens de rue massacreront un morceau des Strokes avec leur ampli dĂ©gueulasse.

Gabriel recevra un appel sur un des téléphones. La premiÚre rÚgle est de ne pas répondre à un appel de ces numéros temporaires. Mais Gabriel aura baissé sa garde.

« Oui » dira-t’il « Oh, vous dites ĂȘtre le petit fils de monsieur Cornetto. Je n’ai aucune idĂ©e de qui c’est, dĂ©solĂ©. Mauvais numĂ©ro. »

Une ambulance passera prùs d’eux. Le chien aboiera encore. Que ce chien soit maudit.

« Je vous assure que je n’habite pas Ă  Barcelone. Non, je ne suis pas dans le quartier d’El Raval en face de l’église. Vous entendez un chien qui aboie, okay mais tous les chiens aboient de la mĂȘme maniĂšre
 Non et non
 Excusez moi, mais je vais raccrocher maintenant. »

Sa posture ne changera pas, mais le cerveau aura appris Ă  lire dans les yeux de son ami aprĂšs tant d’annĂ©es de promiscuitĂ©.

De la peur.

Il posera la main sur l’épaule de Dan. Chuchotera lentement, d’une voix monotone. Notre sujet comprendra que ce n’est pas bon.

« On a de la visite. »

Des coups à la porte. Profonds et lents. L’air se glacera.

–

Dans 1.225*10^9 battements de cƓur, les coups à la porte seront lents et persistants. Une seconde, dix, trente. Puis, silence.

Silence.

Silence.

Et un bruit de grattement, cliquetis. Un grincement. La porte s’ouvrira.

Avant de voir le visage de l’intrus, Dan et Gabriel se seront levĂ©s comme deux ressorts, le corps rigide et immobile. Fight, flight, freeze. Le dĂ©roulement des Ă©vĂšnements encore incertain, menaçant.

Fred Cornetto, un mĂštre quatre-vingt-dix, des muscles et un visage de cire leur fera face.

« Je vais vous pĂ©ter les dents pour ce que vous avez fait Ă  mon grand-pĂšre. Si je vous crĂȘve pas comme des charognes, vous ne pourrez plus jamais marcher, bande de sales petites merdes ». Et durant un instant, une fraction de seconde, Dan se demandera comment ce type peut embrasser sa mĂšre avec une bouche aussi sale.

À l’unisson, le cerveau et le cƓur iront trĂšs vites. Deux trains Ă  vitesse supraluminique parcourant la toile de toutes les possibilitĂ©s Ă  venir. Trop vite, beaucoup trop vite. Le visage sera secouĂ© de spasmes.

Un ĂȘtre humain normal aura reçu dans ces circonstances, une dose apprĂ©ciable de cortisol. Peut-ĂȘtre aurait-il bĂ©gayĂ© et tentĂ© d’entamer un dialogue. Prenez l’exemple de Gabriel. De sa bouche sortira des bribes d’excuses et des morceaux de supplications.

Malheureusement, le cerveau de notre sujet ne sera jamais correctement calibrĂ©. L’adrĂ©naline dĂ©ferlera sur les rĂ©cepteurs synaptiques. Le cortisol crĂšvera le plafond de l’inhibition Comme un film enregistrĂ© sur cassette vidĂ©o, les couleurs baveront et les contours s’effaceront. Les bruits ambiants deviendront une bande sonore dĂ©roulĂ©e Ă  l’envers, pĂąteuse et inintelligible.

Dans un interminable hurlement, la bĂȘte terrifiĂ©e de cette histoire jettera une chaise sur le pauvre mec qui voulait simplement parler. Que des mots, des petites menaces et des excuses en retour. Et tout le monde rentre chez soi gentillement.

Mais ce soir, il recevra une pluie de coup. Le visage bien sĂ»r. ÉnormĂ©ment. Mais aussi dans les reins, les testicules, l’arriĂšre de la tĂȘte.

Il y aura des dĂ©buts de “s’il vous plaĂźt”, de “je m’excu-”, des gargarismes et beaucoup plus de coups. Des coups qui flinguent.

Les oreilles de Dan n’entendront rien de cela. Seulement la sirĂšne d’une ambulance au loin. Elle sera en ce moment dĂ©calĂ©, la validation de ses agissements, la rumeur lointaine d’un public satisfait.

Et le hurlement. Il hurlera, hurlera, hurlera jusqu’à la fin des temps, l’arrivĂ©e des quatre chevaliers de l’apocalypse, le jugement dernier d’un tribunal de haute instance et qui sait, la peine de mort.

Quand le cƓur battra jusqu’à devenir un bassin d’acide chloridrique sous sa cage thoracique, le corps vidĂ© de son Ă©nergie s’assoira tremblant, et tout deviendra silencieux.

Une instance de Dan qui sera plus un espace rĂ©servĂ© que l’ĂȘtre lui-mĂȘme regardera robotiquement dans la direction de Gabriel. Les yeux de Dan se rempliront de liquide lacrymal. Le visage de son vieil ami et confident, ce phare de paix et de certitude qui l’aura guidĂ© hors de la fange et de la haine de soi. Ce visage si beau aura une expression qu’il n’oubliera jamais. Un regard avide et satisfait.

Tous deux resteront immobiles, dans une sacrilÚge communion. Tissant un pacte que seule la mort pourra défaire.

Puis la redescente s’amorcera. Et tous deux se sentiront comme des merdes. Ils trembleront et pleureront en silence, boiront comme des trous jusqu’aux premiùres lueurs.

Et personnes n’aura appelĂ© les flics.

L’histoire de ce cƓur qui bat dans l’obscuritĂ© ne s’achĂšve pas lĂ .

Lorsque les premiers travailleurs seront sortis de chez eux pour s’entasser dans les premiĂšres rames du mĂ©tro, le mĂ©thodique, organisĂ© et impartial Gabriel aura dĂ©jĂ  un plan Ă©tabli. Un voyage sans retour. Les AmĂ©riques. Pas d’au revoir, aller simple.

Une petite somme se sera accumulĂ©e Ă  l’écart du regard de Flouz, sur un compte inconnu de Dan. Ils pourront compter dessus.

Les locaux n’auront jamais Ă©tĂ© signĂ©s de leur vrai nom. Quand bien mĂȘme, ils devront faire profil bas pendant des annĂ©es.

Lorsqu’ils prendront le mĂ©tro, leur visage Ă©maciĂ© sera indiscernable des autres visages de travailleurs de nuit rentrant chez eux pour s’écraser dans leur lit.

A l’aĂ©roport, le cerveau comprendra que c’est un adieu. Gabriel aura de la famille lointaine qu’il pourra rejoindre en AmĂ©rique du Sud. Rester ensemble au mĂȘme endroit sera trop dangereux. Pour le faciĂšs caucasien, destination QuĂ©bec. Pour le bronzĂ©, Bolivie.

Une fois assis dans son siĂšge d’avion, le cerveau n’aura qu’une envie, se suicider. En finir avec toute cette merde. Il rĂ©flĂ©chira aux possibilitĂ©s de le faire, et ne trouvera aucun potentiel lĂ©tal dans les couteaux en plastique servis au repas micro-onde. Alors il atterrira Ă  MontrĂ©al.