AgĂ©s de 16 ans Ă 19 ans, trois hommes et une femme, fascinĂ©s par la violence djihadiste et dâultradroite, Ă©changeaient sur Internet et projetaient des attentats pour prendre leur « revanche sur lâhumanitĂ© ». Le Parquet national antiterroriste demande quâils soient jugĂ©s pour « association de malfaiteurs terroriste ».
Ce sont des jeunes Ă la dĂ©rive. Ils ont Ă©tĂ© victimes de harcĂšlement scolaire, dâagressions sexuelles ou de leur propre dĂ©lire de persĂ©cution. Ils se sont isolĂ©s, rĂ©fugiĂ©s dans leur chambre et se sont branchĂ©s sur Internet. Ils se sont fait des « amis » en ligne, leurs seuls amis, sur des forums consacrĂ©s aux tueries scolaires, Ă lâidĂ©ologie nazie ou Ă la propagande djihadiste. Ils ont partagĂ© des vidĂ©os de dĂ©capitations, des photos de tueries de masse qui ont rĂ©sonnĂ© avec leur fascination pour la mort et la violence. Ils veulent « couper des tĂȘtes », « massacrer des gens ». Ils se disent racistes ou djihadistes, ils partagent une haine inextinguible contre lâhumanitĂ©, une colĂšre que rien nâĂ©tanche, contre leurs harceleurs, leurs agresseurs, les musulmans, les juifs, les Noirs, les femmes, les autres.
Ils ont discutĂ© entre eux de projets dâattentat. Ils ont fantasmĂ© de tuer des « mĂ©crĂ©ants » ou des « NĂšgres ». Ils ont fabriquĂ© des explosifs et tournĂ© des vidĂ©os de revendication dans lâespoir que leur rage Ă©clate aux yeux du monde, quâon parle dâeux, quâon se souvienne de leur « Ćuvre » aprĂšs leur mort. Ils ont entre 16 et 19 ans. Ce sont encore des enfants. Des enfants malheureux et dangereux.
Cette enquĂȘte de la justice antiterroriste avait commencĂ© comme tant dâautres, par un renseignement faisant Ă©tat dâun projet dâattentat imminent. Mais lorsquâils ont fait irruption dans la chambre de Louna (tous les prĂ©noms ont Ă©tĂ© modifiĂ©s), qui venait dâavoir 18 ans, les policiers ont vite compris que le logiciel antiterroriste classique ne suffirait pas Ă saisir toutes les nuances de cette affaire. Car si Louna est fascinĂ©e par lâorganisation Etat islamique (EI), elle nourrit aussi un vif intĂ©rĂȘt pour le nazisme. Sur Internet, elle discute dâailleurs de ses projets dâattentat avec trois garçons qui ne partagent pas tous les mĂȘmes convictions : lâun, brillant Ă©tudiant franco-japonais de 17 ans, rĂȘve de partir en Syrie, les deux autres, ĂągĂ©s de 16 et 19 ans, sont fascinĂ©s par Adolf Hitler et projettent une tuerie dans un lycĂ©e ou une mosquĂ©e.
Ce dossier, point de rencontre entre des idĂ©ologies qui nâont a priori rien Ă voir entre elles, a longtemps embarrassĂ© la justice antiterroriste. Comment qualifier le mobile de suspects qui sâassocient dans leurs projets mais que tout semble opposer sur le plan des idĂ©es ? Parce quâelle dĂ©voile lâintime derriĂšre le politique, la pulsion sous le discours, cette enquĂȘte est une invitation Ă penser la façon dont les idĂ©ologies radicales captent les dĂ©sordres psychiques de jeunes gens en perdition. Au terme de deux ans et demi dâinstruction, le Parquet national antiterroriste a demandĂ©, dans un rĂ©quisitoire dĂ©finitif datĂ© du 2 octobre et dont Le Monde a pris connaissance, que ces quatre adolescents soient jugĂ©s pour « association de malfaiteurs terroriste ».
« Votre sang sur mon visage »
Le 4 avril 2021, lorsque les enquĂȘteurs de la direction gĂ©nĂ©rale de la sĂ©curitĂ© intĂ©rieure (DGSI), alertĂ©s par un service de renseignement Ă©tranger dâun projet dâattentat djihadiste contre une Ă©glise, pĂ©nĂštrent au domicile familial de Louna, Ă BĂ©ziers (HĂ©rault), ils dĂ©couvrent un appartement insalubre et jonchĂ© de dĂ©tritus. Dans la chambre de la jeune femme, les policiers tombent sur un petit laboratoire de chimie avec de nombreux produits servant Ă fabriquer des explosifs. Un couteau est posĂ© sur la table de nuit, Ă cĂŽtĂ© dâune photo de la tĂȘte dĂ©capitĂ©e du professeur dâhistoire-gĂ©ographie Samuel Paty imprimĂ©e sur papier glacĂ©. Dans la piĂšce, ils trouvent deux photos de la tuerie de Columbine (Colorado), qui avait fait treize morts, en 1999, dans un lycĂ©e amĂ©ricain, et des photos imprimĂ©es de djihadistes.
Ils mettent surtout la main sur un carnet Ă spirales de 57 pages entiĂšrement noircies, un long cauchemar manuscrit qui commence par cette phrase : « Moi jâaurais votre sang sur mon visage. » Le cahier contient des recettes dâexplosifs, les dĂ©tails dâun projet dâattentat accompagnĂ© du schĂ©ma dâune Ă©glise de BĂ©ziers mentionnant les heures dâaffluence, un plan de son ancien lycĂ©e, un autre de son immeuble ainsi quâune liste dâinstitutions juives. Louna Ă©crit : « RĂȘve dâune terre de djihad oĂč je pourrais massacrer les gens. »
Au fil des pages, la jeune femme consigne les moindres dĂ©tails de ses projets mortifĂšres et sa fascination pour la « souffrance » dâautrui, un mot qui hante sa prose et semble faire Ă©cho Ă son Ă©tat Ă©motionnel. « Jâai appris Ă dĂ©capiter quelquâun, Ă©crit-elle. Il faut vous mettre par terre, allongĂ© sur le ventre, moi je vous tiens par les cheveux et je vous entaille la gorge jusquâĂ la dĂ©tacher du corps, je fais ça lentement pour la souffrance intense douloureuse et longue (âŠ) Je veux tuer des gens pour le plaisir seulement (âŠ) Waa jâai tellement envie de tuer, câest vraiment un truc de malade, il faut que je tue putain de merde. »
La jeune fille sâest noyĂ©e dans un mal-ĂȘtre insondable : « Ce sentiment quand littĂ©ralement rien ne te rend heureuse (âŠ) Je dĂ©teste juste tout et tout le monde, je ne sais mĂȘme pas si jâai besoin dâaide ou si je devrais juste faire ce que jâai en tĂȘte, la vie humaine ne compte pour putain de rien. » Son dĂ©sir de « vengeance » est total, absolu, sans objet dĂ©fini : elle abhorre ses voisins, les juifs, les homosexuels, les Noirs, les ArmĂ©niens, les handicapĂ©s, les chrĂ©tiens, les Indiens, nâexclut pas de tuer des musulmans et se prend Ă rĂȘver dâun paradis oĂč nâexisteraient plus que des « peaux blanches » : « Je ne peux pas supporter ces NĂšgres. »
« DĂ©capitations, câest mes prĂ©fĂ©rĂ©es »
Cette haine intĂ©grale et sa passion obsessionnelle pour les dĂ©capitations lâont naturellement conduite Ă sâintĂ©resser Ă lâEI et sa propagande ultraviolente. Dans son tĂ©lĂ©phone ont Ă©tĂ© retrouvĂ©es 137 vidĂ©os djihadistes, parmi les plus abjectes, comme celle de lâexĂ©cution dâun pilote jordanien qui avait Ă©tĂ© brĂ»lĂ© vif dans une cage par le groupe terroriste, ou ce tutoriel tournĂ© par un djihadiste français en Syrie, Youcef Diabi, prĂ©sentant sur un prisonnier attachĂ© vivant les diffĂ©rentes façons de tuer un homme avec un couteau.
Sur Telegram, Louna a fait la connaissance dâun autre jeune radicalisĂ©, Takeshi, un Ă©tudiant franco-japonais de 17 ans. Elle cherche Ă se procurer un fusil dâassaut, lui aimerait se marier avec elle avant de rejoindre la Syrie. Le profil des deux adolescents est pourtant diamĂ©tralement opposĂ© : Takeshi vit dans un quartier chic de Paris, Louna dans un taudis de BĂ©ziers ; surdouĂ©, il a sautĂ© deux classes et est inscrit en classe prĂ©paratoire dans un des meilleurs Ă©tablissements de la capitale, elle est dĂ©scolarisĂ©e depuis deux ans. Mais lui aussi est solitaire, introverti et a Ă©tĂ© victime de harcĂšlement scolaire.
Pour Ă©viter de sombrer dans la dĂ©pression, Takeshi sâest converti Ă lâislam Ă 14 ans. Il rĂȘve dĂ©sormais de rejoindre un groupe djihadiste fondĂ© dans la rĂ©gion dâIdlib, en Syrie, par un Niçois dâorigine sĂ©nĂ©galaise, Omar Omsen, pour y mourir au combat « dâune façon compatible » avec sa religion. Louna, elle, aimerait tuer et mourir en France.
« Tu penses quâune femme peut le faire, attaquer la France ?, lui demande-t-elle.
â Si pour toi câest tuer des civils, ça sert Ă rien et je jure par Allah le trĂšs haut que câest un Ă©norme pĂ©chĂ©, tente de la dissuader Takeshi, qui prĂ©fĂ©rerait lâĂ©pouser.
â Toi tu serais capable de tuer quelquâun ?
â Bien sĂ»r, mais ça dĂ©pend de qui, si câest un soldat dâAssad je le bute sans problĂšme.
â Par dĂ©capitation. DĂ©capitations, câest mes prĂ©fĂ©rĂ©es, jubile Louna.
â Vazy toi tâes un peu spĂ©ciale, sâĂ©tonne tout de mĂȘme le jeune garçon. Souvent les filles prĂ©fĂšrent ce qui est plus douxâŠ
â Non câest juste que la personne doit tellement souffrir. Et brĂ»lĂ© vif aussi, jâai vu la vidĂ©o.
â Moi jâai du mal Ă regarder les vidĂ©os comme ça, je prĂ©fĂšre Al-Qaida. Câest plus beau quand mĂȘme avec les avions », nuance lâadolescent.
« Ai-je été violée ? »
MalgrĂ© sa promesse de violence, le djihad ne semble pas en mesure dâĂ©ponger toute la colĂšre qui a envahi Louna. Son dĂ©sordre intĂ©rieur la fait aussi tanguer vers une autre idĂ©ologie radicale : le nazisme. Dans son carnet, elle a dessinĂ© un djihadiste et un soldat nazi Ă cĂŽtĂ© dâune tĂȘte dĂ©capitĂ©e, ou encore une croix gammĂ©e avec ces inscriptions « La France aux Français », « Antifa = une balle » et « NĂšgres dehors ». Elle sâessaye volontiers Ă la langue allemande (« Arbeit macht frei »), allant jusquâĂ traduire son goĂ»t immodĂ©rĂ© pour la dĂ©capitation dans la langue de Goethe (« Enthauptung »). « Elle oscillait entre une fascination pour lâEI et pour le nazisme », rĂ©sument, quelque peu dĂ©boussolĂ©s, les enquĂȘteurs.
ElevĂ©e avec ses trois sĆurs et son petit frĂšre par une mĂšre dâorigine marocaine athĂ©e et sans emploi, divorcĂ©e dâun pĂšre alcoolique et trĂšs malade, Louna a grandi dans une famille dĂ©crite comme dâune « trĂšs grande prĂ©caritĂ© sociale et intellectuelle ». Comme son petit frĂšre et une de ses sĆurs, elle a Ă©tĂ© placĂ©e dans un foyer, dont elle a fuguĂ©. DĂ©scolarisĂ©e depuis deux ans, « suicidaire » et « solitaire », elle passe ses journĂ©es dans sa chambre, dont elle emporte la poignĂ©e de la porte quand elle sort, si bien quâaucun de ses proches nâavait rĂ©alisĂ© que la piĂšce sâĂ©tait transformĂ©e en chapelle consacrĂ©e au crime.
Sa garde Ă vue va apporter quelques bribes dâĂ©claircissement sur les raisons de sa dĂ©rive. Elle Ă©voque notamment des agressions sexuelles commises deux ans plus tĂŽt par un voisin de palier, Ă la suite desquels elle aurait commencĂ© Ă regarder des vidĂ©os gore. Un Ă©pisode qui fait Ă©cho au plan de son immeuble retrouvĂ© griffonnĂ© dans son cahier et au fait quâelle avait Ă©voquĂ© des « voisins » comme cibles potentielles de son passage Ă lâacte. Parmi les documents quâelle a consultĂ©s sur Internet, lâun sâintitule « Ai-je Ă©tĂ© violĂ©e ? ». Deux autres de ses lectures ressemblent Ă des appels Ă lâaide : « Aider un enfant ou un adolescent qui sâautomutile » et « Les auteurs de fusillades dans les Ă©coles : les signes dâalerte ».
Musulmane « non pratiquante », prĂ©cise-t-elle aux enquĂȘteurs, Louna dit sâĂȘtre rapprochĂ©e du djihadisme et du nazisme afin de satisfaire ses obsessions macabres dans une sorte de contre-violence cathartique : « Je me suis intĂ©ressĂ©e Ă ces deux idĂ©ologies uniquement pour justifier ma fascination pour la mort violente. Je ne croyais vraiment ni en lâune ni en lâautre. » Au fil de son errance, elle sâest dâailleurs inscrite Ă des groupes de discussions qui nâavaient plus grand-chose de politique : il y Ă©tait question de tueurs en sĂ©rie et de fusillades en milieu scolaire. Câest ainsi quâelle a fait la connaissance de deux autres acteurs de ce dossier : RaphaĂ«l et Ugo.
Raphaël et les tueries scolaires
Câest durant le confinement liĂ© Ă lâĂ©pidĂ©mie de Covid-19, au printemps 2020, que les trois adolescents ont brisĂ© leur infinie solitude en discutant sur des forums avec dâautres jeunes aussi perdus quâeux. Ils se sont rencontrĂ©s sur True Crime Community, une communautĂ© dâinternautes passionnĂ©s par les grands criminels et les tueries scolaires.
Le plus jeune du trio, RaphaĂ«l, 16 ans, habite une petite commune du Haut-Rhin. En Ă©chec scolaire, isolĂ© socialement et mal dans sa peau, il passe le plus clair de son temps Ă jouer Ă Â des jeux de guerre enfermĂ© dans sa chambre. Sur True Crime Community, il a enfin rencontrĂ© des jeunes qui lui ressemblent et sâest dĂ©couvert une passion pour les « tueurs et les cannibales » susceptible de donner corps Ă sa rage. Sa propre mĂšre le dĂ©crit comme une « bombe Ă retardement », mĂȘme si elle le juge trop introverti pour violenter autrui.
Il a racontĂ© aux enquĂȘteurs le bĂ©nĂ©fice narcissique tirĂ© de cette appĂ©tence partagĂ©e pour la violence : « Câest un chemin qui sâest ouvert Ă moi une fois que jâai frĂ©quentĂ© ce groupe (âŠ) Jâaime cette violence », a-t-il dĂ©clarĂ©, expliquant quâil se sentait « comme un dieu » lorsquâil gravitait dans ce milieu. « Pendant toutes ces annĂ©es, jâai Ă©tĂ© embĂȘtĂ©, humiliĂ©, Ă©crit-il dans une note retrouvĂ©e sur son tĂ©lĂ©phone. Je prendrai ma revanche sur lâhumanitĂ© et sur vous tous. (âŠ) Vous mâavez privĂ© dâune vie heureuse. En retour, je vais vous priver⊠de la vie. »
Sa dĂ©rive lâa conduit, comme Louna, Ă intĂ©grer un autre groupe de discussion sur Telegram, Atomwaffen Command, Ă©manation du groupuscule nĂ©onazi amĂ©ricain Atomwaffen Division, qui promeut lâaccĂ©lĂ©rationnisme, une thĂ©orie visant Ă prĂ©cipiter la sociĂ©tĂ© dans une guerre raciale pour faire Ă©merger un ethno-Etat blanc. EmportĂ©e par son enthousiasme, Louna avait mĂȘme rĂ©ussi Ă choquer certains de ses membres en postant une photo de la tĂȘte dĂ©capitĂ©e de Samuel Paty, son image favorite : comme il arrive souvent lorsquâun individu dĂ©tonne dans un groupe dâadolescents radicalisĂ©s, ces derniers lâavaient en retour soupçonnĂ©e dâĂȘtre un agent du Mossad.
Au fil de leurs Ă©changes, Louna confie Ă RaphaĂ«l quâun voisin lâa « touchĂ©e », il lui dit avoir Ă©tĂ© victime de harcĂšlement scolaire. Elle se revendique de lâEI, lui du nĂ©onazisme : tous deux se rejoignent dans leur haine des juifs, partagent des vidĂ©os ultraviolentes et Ă©voquent leur dĂ©sir de « vengeance ». Elle lui parle de ses projets dâattentat, lui sâouvre dâun projet de tuerie scolaire quâil envisage de commettre avec Ugo, membre Ă©galement dâAtomwaffen Command. Lâattaque, dans laquelle les deux garçons projettent de mourir, est prĂ©vue pour le 20 avril 2022, date anniversaire de la tuerie de Columbine et de la naissance dâHitler.
Ugo, le « psychopathe »
Ugo, un Normand de 19 ans, se dĂ©crit lui-mĂȘme comme un « psychopathe ». Lui aussi a discutĂ© de ses projets mortifĂšres avec Louna, qui lui a envoyĂ© une recette dâexplosifs. MalgrĂ© leurs divergences politiques, le jeune homme ne cache pas une certaine affection pour lâapprentie kamikaze : « Elle voulait que je devienne djihadiste. Jâai de lâempathie pour elle. Elle est comme RaphaĂ«l et moi, avec peu dâamis et victime de harcĂšlement, a-t-il confiĂ© en garde Ă Â vue. Elle hĂ©sitait avec le nazisme mais elle Ă©tait plus attirĂ©e par Daech [acronyme arabe de lâorganisation Etat islamique]. »
Ugo, lui, nâest pas djihadiste. Dans sa chambre, les enquĂȘteurs ont retrouvĂ© dix-sept couteaux portant des inscriptions nazies, des livres sur le criminel amĂ©ricain Charles Manson et sur Adolf Hitler. Dyslexique depuis le primaire, il dit avoir Ă©tĂ© victime de harcĂšlement scolaire et sâĂȘtre « radicalisé » en classe de 6e, en commençant par lâislam radical avant de verser dans le nazisme. Hitler lui aurait « ouvert les yeux » et « tendu la main » alors quâil sombrait psychiquement. Mais selon dâanciens camarades de classe, si Ugo a eu des problĂšmes Ă Â lâĂ©cole, câest avant tout parce quâil y tenait des propos suprĂ©macistes.
Comme Louna, Ugo a couchĂ© ses idĂ©es noires par Ă©crit. Il a rempli pas moins de vingt cahiers de ses dĂ©lires morbides. Il y Ă©voque ses pensĂ©es suicidaires et une agression sexuelle quâil aurait subie Ă 9 ans de la part dâun garçon du mĂȘme Ăąge. Dans un de ces carnets, intitulĂ© « Mein kampf III », il dit entendre des voix qui lui ordonnent de tuer : « Jâai diffĂ©rentes personnes dans ma tĂȘte : un croyant, un tueur (moi un nazi), un fou, un gamin immature. »
Lâexpert psychiatre qui lâa rencontrĂ© Ă©voque son « sentiment constant de frustration et dâinfĂ©riorité », un « trouble du registre paranoĂŻaque » Ă lâorigine dâune altĂ©ration de son discernement et juge « indispensable » une injonction de soins psychiatriques. Le jeune homme est dâailleurs relativement lucide sur le caractĂšre hybride de sa colĂšre : « Câest personnel et aussi politique, Ă©crit-il dans un carnet. Je tue pour le nazisme et par vengeance. »
« On va ĂȘtre sur Google »
Avec RaphaĂ«l, Ugo dit avoir dĂ©couvert un « frĂšre dâarme », « un mot plus fort quâami », prĂ©cise-t-il aux enquĂȘteurs. Outre leur passion pour les armes et le nazisme, les deux adolescents partagent une mĂȘme frustration affective qui les a conduits Ă se rapprocher dâune autre mouvance radicale, la sous-culture Incel (pour involuntary celibate, « cĂ©libataires involontaires »), qui vĂ©hicule une haine viscĂ©rale des femmes.
Mais Ugo et RaphaĂ«l ont surtout un projet commun censĂ© matĂ©rialiser leur colĂšre, quâils appellent leur « Ćuvre » : une tuerie scolaire. Ugo Ă©crit Ă son jeune ami : « Jâai au moins dix personnes Ă tuer dans mon lycĂ©e, puis je mâattaque Ă une mosquĂ©e. » EmportĂ©s par leurs fantasmes, les deux garçons espĂšrent passer Ă la postĂ©ritĂ©Â : « On va ĂȘtre sur Google, la une des journaux, gĂ©nial », Ă©crit RaphaĂ«l. « Nos visages sur Internet, des documentaires, rĂ©pond Ugo. Nous sommes des dieux du chaos et de la vengeance. »
Ce sentiment de toute-puissance, Ugo le met souvent en scĂšne. En lâespace de cinq mois, il a envoyĂ© Ă RaphaĂ«l pas moins de treize vidĂ©os de revendication de leur « Ćuvre » Ă venir, sur lesquelles il pose, muni de diffĂ©rentes armes : « Je vais tuer beaucoup de personnes (âŠ) Depuis des annĂ©es, des Ă©lĂšves sont victimes de harcĂšlement (âŠ) Quand est-ce que lâEtat va faire quelque chose ? (âŠ) Les racailles dans leur citĂ©, on leur donne des aides sociales, ils violent les femmes, ils harcĂšlent les enfants dans les Ă©coles. (âŠ) Bah je vais purger ! (âŠ) Y en a comme ça qui mâont harcelĂ© au collĂšge, ils vont en prendre plein la gueule ! Je vais leur Ă©clater le crĂąne avec un marteau et les Ă©gorger. » Devant les enquĂȘteurs, il reconnaĂźt : « Lorsque je faisais une vidĂ©o, je me faisais peur moi-mĂȘme. Je ne savais pas si câĂ©tait rĂ©el. »
Une « adhésion ancrées à des idéologies radicales » Ces quatre adolescents en perdition étaient-ils mus par un désir de vengeance ou par leur conviction idéologique ? Louna est-elle djihadiste ou nazie ? Ugo et Raphaël fantasmaient-ils une tuerie scolaire motivée par leur sentiment de rejet ou un attentat suprémaciste ?
Le Parquet national antiterroriste a considĂ©rĂ© que leur profil et leurs agissements Ă©taient suffisamment inquiĂ©tants pour constituer une « association de malfaiteurs terroriste ». « Si les ressorts de ces projets mortifĂšres mĂȘlaient mal-ĂȘtre et idĂ©es suicidaires, les mis en examen faisaient toutefois preuve dâune singuliĂšre dĂ©termination, de prĂ©parations intenses de leurs projets violents et fantasmaient le retentissement de leurs actions futures, dans le cadre dâadhĂ©sions ancrĂ©es Ă des idĂ©ologies radicales violentes, djihadiste et dâultradroite », rĂ©sument les magistrats.
Ils demandent donc que Takeshi, RaphaĂ«l et Louna, mineurs au moment des faits, soient jugĂ©s devant le tribunal pour enfants. Si les juges dâinstruction suivent ce rĂ©quisitoire, Louna pourrait ĂȘtre de nouveau jugĂ©e, aux cĂŽtĂ©s dâUgo cette fois, devant le tribunal correctionnel pour les faits commis entre le jour de ses 18 ans et son interpellation, un mois plus tard.
Câest quand mĂȘme hallucinant.
Je dois vivre dans une bulle sacrĂ©ment protĂ©gĂ©e, parce que je sais que ce genre de profil peut exister, mais sans vraiment en avoir conscience, mĂȘme dans un film je me dirais que câest abusĂ© et que bon, tu ne peux pas basculer autant dans un dĂ©lire morbide ou tu peux ĂȘtre djihadiste et nazi juste parce que tu veux tuer des gens. Et pourtant, câest rĂ©el.
Si tu ne lâas pas vu, je te recommande ce documentaire
https://fr.m.wikipedia.org/wiki/DerriÚre_nos_écrans_de_fumée
Ăa prĂ©sente les dynamiques de radicalisation
Nan mais faut pas dĂ©conner. On mĂ©lange terroristes et nazis maintenant ? Câest nâimporte quoi, tout le monde sait que les terroristes ne sont que les musulmans et arabes, le nazisme câest juste une opinion politique de centre droite.
Parfois je me demande sâil y a des gens qui prennent tes commentaires au premier degrĂ© ha ha
;)